"Tu vas voir, c'est beau."
Je crois que c'est la première fois que ma petite sœur me convie à essayer un jeu vidéo. Je suis surpris: c'est la prérogative du frère d'étayer ses trouvailles sur la console et développer les goûts de ses sœurs profanes. Dans mon paradigme de famille nucléaire, le jeu vidéo est un domaine tristement sexiste.
"Ben voyons donc", raillai-je. "Ton jeu fait à peine 600 Mo, il n'est même pas sur Blu-Ray. C'est quoi, un jeu flash avec un p'tit look hipster?"
Ma petite sœur soupire. Elle n'aura rien à ajouter pour gagner son argument.
À l'écran, Journey démarre.
Un immense ciel bleu. Un désert infini. Un personnage seul au milieu du paysage mort et scintillant. À l'horizon, une haute montagne. Pas besoin d'explication: je sais où aller.
Je tente un premier pas, le sable s'enfonce, crissant avec un étonnant réalisme.
La démarche artistique du jeu est tant réussie qu'elle est déconcertante. Visuellement, ce jeu qui me semblait minable est tellement époustouflant qu'il m'a atteint au niveau émotionnel. Lors de la scène qui suit, j'étais tellement ému que mes yeux se sont embués, ce qui n'est pas peu dire venant d'un efflanqué cynique qui rit lorsqu'il se blesse.
J'en conviens, on n'y voit qu'un personnage glissant dans le sable. Ceci dit, pour atteindre cet endroit enluminé, il m'aura fallu parcourir péniblement des paysages grandioses, procurant un étrange sentiment de solitude. L'expérience minimaliste de Journey était superbement intérieure et transcendait tout ce que j'avais connu du déterminisme des jeux vidéo. Par sa facture artistique, la quête a provoqué un silence religieux dans le salon. Si quelqu'un entrait, l'un d'entre nous chuchotait "Chut! Viens voir." L'intéressé s'asseyait, saisissait l'ampleur du moment, puis restait jusqu'à la fin de l'aventure.
En complétant le jeu, somme toute illustré avec des "shaders" simples et un engin physique judicieusement programmé, j'ai doucement déposé le contrôleur et jeté un coup d'oeil respectueux à ma petite sœur.
Au cours de la même semaine, j'ai assisté docilement à sa progression dans Lego Star Wars, sans me faire valoir et en appréciant son obstination à ramasser les moindres petites pièces. Les valeurs de la famille ont changé, que voulez-vous.
Quelles sont les vôtres? Quel jeu vidéo est d'après vous le plus réussi visuellement?
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