La porte s'ouvre dans un son tout particulier, hybride parfait entre la succion et le grincement. Je dépose mes quelques boissons et mon sac de croustilles sur le tapis d'entrée.
- Heille man! Comment ça va?
Pas de réponse. L'appartement est plongé dans le noir. Une très faible lueur verte découpe l'ouverture de la cuisine, au fond du couloir. J'entends des cliquetis.
J'accroche ma veste et je récupère mes vivres, pour ensuite me diriger vers l'apparente source de vie.
Le voilà. Prostré devant l'écran, enchevêtré de fils et d'appareils installés à la hâte sur la table, ses deux yeux vitreux clignotent rarement.
- Salut mon chum! J'ai des chips. Pis, comment ça se passe?
Il retire son casque et branche le son sur les hauts parleurs.
- Heille salut man, grosse game de Dota 2 en cours, désolé...
Le son du jeu enveloppe la pièce. Malgré d'énormes efforts, je n'ai jamais rien compris à Dota 2, acronyme de "Defense of the Ancients" mis en marché par le studio Valve en 2013. Il s'agit très grossièrement de travailler en équipe pour détruire le campement de l'équipe adverse. En dépit des excellents articles Pierre-Olivier Corbin à ce sujet, rien n'y fait: je ne vois qu'une grande bagarre chaotique à l'écran.
Je m'installe sur une chaise, le menton sur une paume. Il est plongé dans l'action.
- Ah man, les gars de mon équipe sont vraiment poches.
Ceux-semblent penser la même chose du joueur québécois en leur compagnie. À travers les hauts parleurs, un flot ininterrompu d'injures grêle dans la pièce, proférées sur le microphone des coéquipiers en ligne. Je vous évite le registre de langue, mais disons simplement que la plupart concernaient la mère de mon stoïque compagnon. J'entends même des invectives espagnoles.
Les insultes rythment la progression de la partie, explorant le racisme, l'homophobie et la virginité. Dépassé par les événements, je termine les croustilles après trente minutes de jeu. Le jeu devient de plus en plus intense, de nombreux personnages meurent et des bâtiments explosent. À l'occasion, mon hôte met en marche son microphone et jette un ordre ou une bien méchante réplique. Le chaos est total.
J'ose un commentaire.
- Crime, ça va mal.
Au même moment, un énorme bâtiment explose.
Mon ami soupire, puis tourne les yeux vers moi.
- Ben non, on a gagné! Tu viens de voir une de mes meilleures parties!
Les interactions entre les joueurs en ligne échappent à l'évaluation de l'ESRB et souvent à la censure, malgré les nombreux efforts des développeurs. Si vous jouez en ligne, connaissez-vous une communauté de joueurs particulièrement corrosive, à l'image de mon expérience? Quelle est la pire communauté de gamers, ou sinon, quelle est la meilleure?
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