9.4.08

1197. Sur l'estime

Tout corps en mouvement devient élastique.

Projeté, filiforme.

Plus on bouge, moins on s'affaisse, c'est évident.

Dans le Monde Inverti, le passé signifiait "écrasement" et l'avenir "étirement". L'hyperespace temporel était donc, selon Christopher Priest, une paraboloïde générant un étranglement progressif ductile qui se synthétise en fonction du temps. Il allouait cette perception "physique" à un rayonnement radioactif sensible à l'entourage immédiat. Enfin bon, c'est de la fiction.

J'essaie de passer au travers. Je fais des efforts pour avoir un cycle de sommeil normal, mais c'est difficile de s'endormir en serrant fort son oreiller, et être pleinement conscient qu'il ne s'agit que d'un oreiller.

Plus jeune, je ne pouvais pas m'endormir sans une peluche, un câlin, ou une présence. J'avais énormément peur du noir, et le peu de réconfort que me donnait un succédané de compagnie suffisait à repousser les ombres, les griffes, les yeux. J'ai dormi longtemps avec une veilleuse, peut-être trop.

Les choses étant ce qu'elles sont, j'ai grandi. Je laisse toujours la porte ouverte, mais le lit est maintenant une bas péché d'abandon et de fuite. Mais il faut encore que je serre un oreiller.

Mon imagination et mes hormones se chargeaient d'en faire un corps humain, et tranquillement je m'élevais, pelotonné sur ce veau d'or vers les collines duveteuses du sommeil.

C'est comme ça que ça fonctionne quand t'es tout seul.

Mais là, plus d'élévation. Une petite dérivation du moment présent, la prise de conscience d'être seul au monde, et quelques rêveries absurdes qui m'agrippent.

Je veux être en amour à nouveau. Je n'aime personne.

Je ne dégage plus grand chose, en fait. Il y a rupture dans l'équilibre fragile qui définit l'espoir contre les regrets, il semble que tout tire vers l'arrière, vers l'horizontal, la disparition, l'immuable. La conséquence, c'est le désintérêt total pour les conséquences du moment présent et l'implication dans ce que l'on aime.

Et envers soi.

Personne.

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